Découvrez l'étrange floraison de l'Arum titan, également appelé fleur cadavre, dans une nouvelle vidéo réalisée à partir d'un timelapse et d'images thermiques. Nous vous proposons de comprendre le phénomène unique où la "fleur géante" élève sa température au point de dépasser celle du corps humain tout en apprenant sa description botanique, son histoire et les menaces qui pèsent sur elle. Durée : 5 min.
Des images exceptionnelles captées en 2009 au Conservatoire botanique
L’exemplaire filmé au Conservatoire est issu d’une graine semée en 1993. Il a fleuri pour la première fois en 2003 dans les serres tropicales. Il s'agissait alors de la première floraison de cette espèce en France ! L'Arum titan avait atteint 1,50 m de hauteur. Le 28 juin 2009, une seconde floraison exceptionnelle s'est produite sur 1,87 m de hauteur. Le tubercule pesait alors 38 kg.
Une floraison qui n'a duré que 24h
Pour immortaliser l’évènement, le spectacle a été filmé image par image et en haute définition par une caméra fixe positionnée en hauteur, face à la plante.
On y voit la spathe déployer majestueusement son grand manteau pourpre dans la chaleur de l’après-midi. Ce phénomène d’ouverture est rapide et perceptible à l’oeil nu pour le public venu nombreux. En début de soirée, la floraison est à son paroxisme. L’inflorescence se révèlera dans toute sa splendeur durant toute la nuit. Aux premières lueurs de l’aube, la spathe commence lentement à se contracter à la manière d’un soufflet d’accordéon. Son repliement s’achève durant la nuit suivante, drapant le grand spadice d’un voile de mystère...
Une température qui a atteint les 40°C
Les botanistes du Conservatoire voulaient dévoiler un autre prodige encore plus intrigant. L’Arum titan est en effet le siège d’un autre phénomène aussi extraordinaire que rare dans le règne végétal : il est capable de produire une chaleur intense lors de sa floraison. Ils ont donc filmé ce phénomène grâce à une caméra thermique sensible aux variations de température de la plante et de son environnement.
Les images infrarouges obtenues permettent d’appréhender la dynamique du phénomène de façon originale, à la fois scientifique et esthétique. L’image thermique identifie chaque objet selon sa température. Les zones les plus froides apparaissent en bleu foncé et les zones les plus chaudes vont du jaune au blanc où la température est la plus élevée. Trois pointeurs ont été placés sur la plante elle-même pour mesurer l’élévation de sa température corporelle.
Au départ, la plante est de couleur orangée soit une température de 27°C en moyenne, légèrement plus élevée que l’air de la serre à 25°C. Rapidement, elle passe de l’orange au jaune durant l’ouverture de la spathe, atteignant rapidement 30°C. Au maximum de son déploiement, le phénomène atteint son apogée : l’extrémité du spadice atteint 40°C tandis que l’air de la serre n’est qu’à 20 °C. Puis c’est toute la grande colonne centrale qui s’embrase grâce à l’intense respiration des tissus de sa base, au niveau de la chambre florale. Enfin, le phénomène s’estompe, au matin, lorsque la spathe se referme, la température du spadice n’est plus que de 20°C soit 6°C de plus que l’air de la serre.
Les raisons de cette étrange floraison
Grâce à sa couleur pourpre et l'odeur qu'il dégage, l'Arum titan mime un cadavre en décomposition pour attirer les insectes pollinisateurs. Empester lui permet d’attirer irrésistiblement toutes sortes d’insectes, des coléoptères, des mouches, qui vont assurer l’indispensable pollinisation de ses fleurs.
A chaque floraison, le végétal décuple les effets de son parfum en élevant considérablement sa température. Son odeur devient alors détectable à des centaines de mètres à la ronde, jusqu’à un kilomètre sous la canopée des arbres de la forêt.
L’odeur et la production de chaleur proviennent essentiellement des fleurs femelles dites sapromyophiles, les premières à s’ouvrir, la puanteur est donc à son apogée dans les quelques heures suivant leur éclosion. La température de la plante augmente alors maximisant sa pestilence en laissant croire aux insectes gourmands qu'il s'agît d'une charogne appétissante. Certains insectes possédant une vision infrarouge seront même sélectivement attirés par cette source de chaleur. Ils vont y pondre leurs œufs et y déposer le pollen collecté sur les plantes environnantes, souvent situées à des kilomètres les unes des autres, de vrais entremetteurs entre arums.
Si cette stratégie est si perfectionnée, c’est parce que l’Arum titan doit absolument optimiser ses chances de se reproduire. Ces plantes ne fleurissent en moyenne que tous les dix ans et leurs fleurs ne sont fécondables que durant 48 à 72 h. Quelques temps plus tard, l’épi central se couvrira de centaines de fruits évoquant des baies rouges et seront ensuite mangés par les calaos, des oiseaux qui dissémineront les graines à travers la forêt. Ce sont ces graines qui donneront de nouveaux tubercules prêts à fleurir et assureront l’avenir de l’espèce.
Conservation et culture de cette espèce
L’Arum titan, de son nom scientifique Amorphophallus titanum, fait partie de la famille des Aracées. C’est dans la forêt tropicale humide de l’île de Sumatra, en Indonésie, qu’il fut découvert en 1878 par le botaniste italien Odoardo Beccari. Il s'y fait de plus en plus rare aujourd'hui.
Son habitat naturel est gravement menacé. On estime que l’Indonésie a perdu environ 72% de sa couverture forestière d’origine et l’ampleur de la déforestation se poursuit à un rythme alarmant. Aujourd’hui, la moitié de l’île de Sumatra est déboisée. L’exploitation du bois, la conversion des terres en plantations de palmiers à l’huile à grande échelle ont considérablement réduit l’espace vital de l’Arum titan. Son tubercule fait aussi l’objet de pillage afin d’être revendu à prix d’or sur les marchés horticoles coréens et japonais. Ses populations naturelles sont en constante régression, c’est pourquoi l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) considère cette espèce en danger d’extinction.
Pour tenter d’assurer sa conservation en nature, le gouvernement indonésien a publié une réglementation spécifique, les autorités locales et des particuliers mettent en place des aires protégées ou des réserves afin de protéger les Arum titans et la forêt qui les abrite.
Dans le monde, une centaine de jardins et conservatoires botaniques sont parvenus à maîtriser sa conservation par la culture ; ce qui représente un véritable défi tant les protocoles sont complexes. Ils mettent tout en œuvre pour préserver cette espèce emblématique au bord de l’extinction et sensibiliser le public aux enjeux majeurs de la conservation des forêts tropicales de notre planète.
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Contact
Stéphane Buord
Directeur scientifique des actions internationales
Conservatoire botanique national de Brest
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