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CBN de Brest, la SBCO - Société botanique du Centre-Ouest et Isabelle Pordoy ont organisé les 12 et 13 avril derniers une session de terrain consacrée à l'étude des bryophytes de la pointe du Finistère.

Durant deux jours, dans une ambiance studieuse et conviviale, un groupe d'une vingtaine de botanistes a arpenté le centre-ouest du Finistère et la presqu'île de Crozon pour découvrir les bryophytes typiques du climat hyperocéanique et du Massif armoricain.

La session a démarré le samedi matin avec la visite du bois du Chap sur la commune de Dinéault, particulièrement riche en mousses et où furent recherchées quelques hépatiques très rares des fonds de vallons humides, comme 𝘑𝘶𝘣𝘶𝘭𝘢 𝘩𝘶𝘵𝘤𝘩𝘪𝘯𝘴𝘪𝘢𝘦.

L'après-midi a été dédié à la découverte du Menez Hom et des cortèges bryophytiques associés, aux pierriers et aux tourbières, avec un focus fait par José Durfort sur la Sphaigne de la Pylaie, bryophyte d'intérêt patrimonial international et protégé en France.

Le dimanche a été consacré aux milieux littoraux avec la prospection des dunes de Kersiguénou le matin, et des falaises de Roscanvel l'après-midi, où la visite d'une station de 𝘍𝘳𝘶𝘭𝘭𝘢𝘯𝘪𝘢 𝘵𝘦𝘯𝘦𝘳𝘪𝘧𝘧𝘢𝘦, petite hépatique présente dans moins de 10 localités en France, toutes dans le Finistère, était particulièrement attendue.

La journée s'est conclue par la visite du marais de Kerlaër, en presqu'île de Roscanvel, avec la recherche fructueuse de 𝘚𝘤𝘰𝘳𝘱𝘪𝘥𝘪𝘶𝘮 𝘴𝘤𝘰𝘳𝘪𝘱𝘪𝘰𝘪𝘥𝘦𝘴, espèce typique des bas-marais alcalins, milieu particulièrement rare sur le Massif armoricain.


Merci à Paol Kerinec et à José Durfort pour l'organisation et l'animation de ces rencontres ! 

 


Pique-nique sur le sommet du Menez-Hom © Paol Kerinec (CBN Brest)

 


Présentation sur la Sphaigne de la Pylaie © Paol Kerinec (CBN de Brest)

 


𝘍𝘳𝘶𝘭𝘭𝘢𝘯𝘪𝘢 𝘵𝘦𝘯𝘦𝘳𝘪𝘧𝘧𝘢𝘦 © Paol Kerinec (CBN de Brest)
 

𝘚𝘤𝘰𝘳𝘱𝘪𝘥𝘪𝘶𝘮 𝘴𝘤𝘰𝘳𝘪𝘱𝘪𝘰𝘪𝘥𝘦𝘴 © Paol Kerinec (CBN de Brest)



 

Certaines mousses ont une répartition très stricte sur le territoire français. C’est le cas des espèces dites hyper-atlantiques, comme l’espèce du jour, Schistidium maritimum.

Schistidium maritimum est une mousse acrocarpe de la famille des Grimmiaceae. Elle forme des coussins plus ou moins étendus, fixés directement sur les falaises et les rochers littoraux soumis aux embruns. On la reconnaît notamment à l’absence de pointe hyaline au niveau de ses feuilles, contrairement à la majorité des autres espèces du genre Schistidium, et à ses capsules ne dépassant pas des coussins.

L’espèce se développe dans les anfractuosités rocheuses, sur des parois pouvant être horizontales mais aussi verticales. Les conditions écologiques étant rudes, elle est souvent accompagnée d’un cortège bryophytique halophile comme Tortella flavovirens et Trichostomum bachydontium, deux autres mousses acrocarpes formant des coussins.

En France, Schistidium maritimum est présent uniquement en Bretagne, en Normandie et en Pays de la Loire. Ainsi, ces trois régions possèdent une forte responsabilité à l’égard de cette espèce rare et caractéristique du littoral du Massif armoricain.

Pour consulter la répartition des espèces de bryophytes de France métropolitaine, rendez-vous sur le site de la Fédération des Conservatoires botaniques nationaux.

 

Figure 1 - Schistidium maritimum © Eva Chardin (CBN de Brest)

 

Figure 2 - Habitat de Schistidium maritimum © Paol Kerinec (CBN de Brest)

 

 

Figure 3 - Répartition française de Schistidium maritimum par département en 2023 (Celle et al., 2024)

 

 

 

C’est lors d’une journée grise du mois décembre 2024, sur la commune de Chanzeaux (49), en terrain plutôt acide, qu’il a été observé de minuscules frondes en forme d’éventail, ressemblant aux frondes stériles d’Anogramma leptophylla (L.) Link (l’Anogramme à feuilles minces). Il a fallu attendre début mars 2025 pour confirmer l’espèce, avec la croissance des frondes fertiles.

Alors que l’Hyrôme coule en contrebas, la station se trouve sur un coteau traversé par un suintement. La fougère se développe à côté de cette source d’eau, cachée sous des rochers, exposés au soleil. Cela lui permet de bénéficier d’un micro-climat optimal à son développement : chaleur et forte humidité atmosphérique. L’espèce croît au sein d’une bryoflore diversifiée avec comme dominante, Reboulia hemisphaerica.

Cette fougère se distingue par ses deux types de frondes : fronde stérile et fronde fertile. La première est de petite taille, a des divisions du limbes larges et ne produit pas ou très peu de sores. Alors que, la seconde, est de plus grande taille (~5 cm ici), a un long pétiole, des divisions du limbes plus fines et produit des sores. Son cycle de reproduction est assez unique : le prothalle est bisannuel alors que le sporophyte est annuel (seul cas parmi nos fougères européennes). Les premières frondes stériles sont visibles dès l’automne, les frondes fertiles se développent au début du printemps, flétrissent avant l’été, pour disparaître ensuite. L’espèce passe alors inaperçue.

Anogramma leptophylla est une fougère rare en France, à affinités méditerranéennes-atlantiques. En Massif armoricain, ses populations les plus importantes sont au nord de la Bretagne (cf. eCalluna). En Maine-et-Loire, l’espèce n’avait jamais été observée auparavant, malgré un inventaire des ptéridophytes dans les années 1990 et des recherches ciblées (cf. notamment Braud, 2001). Dans les départements voisins, elle est présente en Loire-Atlantique, Vendée et Deux-Sèvres. En Pays de la Loire, elle est protégée et cotée EN (En Danger de disparition) sur la liste rouge. Un état des lieux de la population a donc été réalisé en 2025 : la plante fera l’objet d’un suivi dans le temps et des contacts seront engagés afin d’assurer sa préservation.

Cette observation en Anjou, fait suite aux autres découvertes départementales en Deux-Sèvres (2022), Haute-Vienne (2023), Creuse, Corrèze et dans l’Indre (2024). Cela nous amène à nous poser des questions sur ces évènements : est-ce que l’espèce est en voie d’extension dans nos régions ? Est-ce que ses populations sont viables sur le long terme ? Est-ce que l’espèce est présente sur d’autres sites ? C’est pour cela qu’il serait intéressant de prospecter dans les coteaux rocheux thermophiles, avec des suintements et des zones ombragées sous les rochers, pour espérer trouver Anogramma leptophylla, afin de mieux comprendre sa répartition et sa tendance démographique dans notre région.

Texte : Ewen Delahaye

 

Bibliographies :

Boudrie M., Mady M., Nawrot O., Bizot A., 2024 - Nouveautés ptéridologiques remarquables en Limousin pour l’année 2023 et le premier semestre 2024. Bulletin de la Société botanique du Centre-Ouest, 55 : 59-78.

Braud S., Charrier M., Mourgaud G., 1999 - Les ptéridophytes du Maine-et-Loire. Inventaire et cartographie. E.R.I.C.A., 12 : 62 p.

Braud S., 2001 - Inventaire et cartographie des ptéridophytes du Maine-et-Loire. Additif n°3. Bulletin de liaison Mauges nature, 61 : np.

Dortel F., Magnanon S., Brindejonc O., 2015 - Liste rouge de la flore vasculaire des Pays de la Loire. Évaluation des menaces selon la méthodologie et la démarche de l’UICN. Conseil régional des Pays de la Loire. Nantes : Conservatoire botanique national de Brest, 53 p. + annexes.

Prelli R., Boudrie M., 2021 - Les fougères et plantes alliées d'Europe. Mèze : Biotope éditions, 528 p.

 

 

Anogramma leptophylla in situ (Julien Geslin © CBN de Brest)

 

 

Contact : Julien Geslin (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)

Chargé d'étude flore, responsable départemental Maine-et-Loire

En 2023, des chercheurs anglais (Ottley et al.) ont mis en évidence la présence d’une troisième espèce au sein du genre Leucobryum : Leucobryum albidum (P.Beauv.). Nous avons réuni quelques éléments de contexte et d’écologie et réalisé la traduction de la clé anglaise afin de faciliter la détermination des espèces de ce genre.

 

UNE NOUVELLE ESPECE QUI POURRAIT S’AVERER FREQUENTE

 

L’étude, qui s’est basée sur des aspects moléculaires et morphologiques, a permis de confirmer la présence de Leucobryum albidum en Grande-Bretagne. Cette espèce a des critères intermédiaires entre les deux espèces connues jusqu’ici en Europe mais son identification impose une récolte systématique pour identification en laboratoire. Depuis la parution de l’article, L. albidum a pu être détecté dans plusieurs régions françaises, dont la Bretagne et les Pays de la Loire. L’article et les premières investigations de terrain mettent en évidence que L. juniperoideum semble rare et a souvent été confondu avec L. albidum.


Leucobryum albidum © Paol Kerinec (CBN de Brest)

 

>> À télécharger : CBN de Brest_Précisions sur le genre Leucobryum dans le Massif armoricain_2025

 

REMERCIEMENTS

Nous remercions les chercheurs anglais Tom Ottley, Jan Kučera, Tom Blockeel et Jacky Langton pour nous avoir permis de diffuser une partie de leur travail de recherche sur le genre Leucobryum. Nous remercions également José Durfort pour sa contribution, Sylvie Magnanon et Gaëtan Masson pour la relecture du document.

 

REFERENCES DE L’ARTICLE

Ottley T., Kucera J., Blockeel T., Langton J., 2023 - A molecular and morphological study of Leucobryum in Britain and Europe: the presence of L. albidum (P.Beauv.) Lindb. confirmed. Journal of Bryology, 45 (1) : 1-29.

✨Porté par le réseau des Conservatoires botaniques nationaux et soutenu par un partenariat stratégique avec l’Office français de la biodiversité (OFB), l’Atlas des Bryophytes de France métropolitaine représente la première base de données nationale de référence sur la répartition des mousses, des hépatiques et des anthocérotes dans l’Hexagone.

Nous tenons à remercier José Durfort, Séverine Stauth et Jean Le Bail qui ont grandement contribué à ce travail.



✔️1408 taxons validés
✔️ 2 ans de collaboration pour valider les données et homogénéiser les informations selon le référentiel hashtagTaxRef v16

💡Ce projet ambitieux constitue une avancée majeure dans la connaissance de la bryoflore en France, en offrant une vue d’ensemble de la chorologie des espèces et en mettant en lumière la rareté de certaines d’entre elles.
Fruit d’un travail collaboratif impliquant des professionnels et des bénévoles, cet Atlas est une étape clé dans l’amélioration de nos connaissances sur cette flore discrète mais essentielle pour nos écosystèmes.

👉 Découvrez l’Atlas et accédez aux ressources complémentaires (Base des données bryologiques, Base européenne des traits des Bryophytes, Guide méthodologique de bryosociologie)



En illustration : 1/ Exemple avec la carte de répartition de Blasia pusilla - 2/ Mannia triandra © Luc Olivier, CBN du Massif central - 2/ Hookeria lucens © Leslie Ferreira, CBN du Bassin parisien