Au cours d’une session de formation bryologique organisée par la Société d’Etudes Scientifiques de l’Anjou (SESA) le 28 septembre dernier et menée par Isabelle Charissou, une étonnante bryophyte a attiré notre attention, ses critères morphologiques ne correspondant à rien de connu dans le secteur.

Figure 1- Triquetrella sp. à l’état humide (à gauche) et à l’état sec (à droite) © Eva Chardin (CBN de Brest)
Des recherches nous ont rapidement amenées au genre Triquetrella, confirmé par Vincent Hugonnot. L’espèce représentante du genre la plus proche géographiquement est Triquetrella arapilensis, espèce décrite comme endémique de la péninsule ibérique, présente en Espagne et au Portugal.
Le genre Triquetrella est distribué sur les principales zones de climat méditerranéen dans le monde, dans l’hémisphère nord (ouest de l’Amérique de Nord et péninsule ibérique) et dans l’hémisphère sud (Australie, Nouvelle-Zélande, ouest de l’Amérique du Sud et Afrique du Sud). La taxonomie du genre étant incertaine, des recherches génétiques sont en cours pour identifier précisément l’échantillon du Maine-et-Loire observé le 28 septembre dernier.
L’espèce est caractérisée par des aspects très différents à l’état humide et à l’état sec, comme l’illustre la figure 1. Sa tige est triquètre, avec des feuilles décurrentes rangées par trois, ornées de papilles hautes digitées et bifurquées. De nombreux bourgeons axillaires sont présents, avec certains contenant des archégones, organes femelles.

Figure 2 - Papilles digitées et bifurquées en coupe transversale © Eva Chardin (CBN de Brest)
L’espèce semble apprécier les milieux pionniers, sableux ou schisteux, et dépourvus de végétation dense, colonisés principalement par d’autres bryophytes et des lichens. À l’heure actuelle, Triquetrella sp. n’a été observée que sur deux sites, d’anciennes carrières, à proximité d’Angers. Elle serait à rechercher sur d’autres milieux similaires mais aussi sur des milieux naturels qui pourraient remplir les mêmes conditions édaphiques et climatiques.
N’hésitez pas à ouvrir l’œil lors de vos prospections et à nous contacter en cas de découvertes similaires !
Contacts : Eva Chardin
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Le 3 octobre 2025, une équipe coordonnée par l’antenne des Pays de la Loire du Conservatoire botanique national de Brest est intervenue sur la commune d’Angrie (Maine-et-Loire), afin de préserver une population de Crassule de Vaillant (Crassula vaillantii), une petite plante annuelle rare et localisée.

Un suivi scientifique régulier
La Crassule de Vaillant, espèce pionnière affectionnant les sols nus et humides, fait l’objet d’un suivi scientifique annuel en Pays de la Loire.
Après un constat inquiétant de régression au printemps 2025, une intervention manuelle d’entretien a été programmée à l’automne, en concertation avec la commune.
À la surprise générale, plus de 200 individus ont été observés lors de l’opération, témoignant d’une floraison automnale assez surprenante, probablement déclenchée par les pluies de septembre suivies d’un épisode chaud.
Une gestion écologique de précision
Aux côtés des agents techniques communaux, les botanistes du Conservatoire botanique ont procédé à un arrachage sélectif des graminées colonisant la micro-cuvette rocheuse où se développe la Crassule.
L’objectif : maintenir les micro-habitats propices à la germination sans perturber la structure du sol ni la banque de graines.
La strate de mousses, quant à elle, a été conservée pour son rôle protecteur et son potentiel de support à la germination.
Des perspectives de suivi et de coopération
Cette intervention s’inscrit dans un partenariat entre la commune d’Angrie, la DREAL et la Région Pays de la Loire, avec un accompagnement technique et scientifique du Conservatoire.
Un suivi régulier de la station est prévu, associant la commune et les équipes du CBN de Brest, pour observer l’évolution de la population et ajuster les pratiques de gestion.
Cette démarche illustre la complémentarité entre acteurs locaux et scientifiques pour préserver la flore menacée et maintenir des habitats naturels de grande valeur écologique.
En savoir +
Plan de conservation de la Crassule de Vaillant (Pays de la Loire)
Crédits photos : Pierre Chasseloup (CBN de Brest)
Malgré leur omniprésence dans les paysages bretons, les saulaies à Saule roux (Salix atrocinerea) sont restées relativement peu étudiées. Depuis plusieurs années, le CBN de Brest mène des travaux visant à identifier et caractériser les différents types de saulaies présents en Bretagne (écologie, dynamique, valeur patrimoniale, etc.).
En 2021, un rapport d’étude a été produit grâce à l’analyse d’un premier lot de relevés phytosociologiques antérieurs et de relevés provenant de prospections de terrain spécifiques à ce programme.
Cette typologie s’adresse entre autres aux gestionnaires d’espaces naturels et aux chargés de cartographie de la végétation : comment distinguer les différents types de saulaies lors d’études de cartographie, lesquels représentent des enjeux de conservation… Pour faciliter l’appropriation de la typologie et la tester sur le terrain, elle a été partagée avec des gestionnaires d’espaces naturels et des chargés de cartographie de la végétation.
Ainsi, en janvier 2025, un retour d’expérience sur la Réserve naturelle régionale "Landes, prairies et étangs de Plounérin" (22) a été présenté au forum des gestionnaires d’espaces naturels bretons. L’appropriation par le gestionnaire de la réserve de la typologie élaborée par le CBN de Brest a permis de préciser les enjeux de conservation et l’état de conservation des saulaies de cet espace naturel et ainsi de contribuer à leur prise en compte dans les orientations de gestion. En juin 2025, dans le cadre du réseau des gestionnaires d’espaces naturels de Bretagne, une journée de formation à la reconnaissance des types de saulaies a été organisée sur cette même réserve.
Forum des gestionnaires d’espaces naturels bretons 2025 © Eva Burguin (CBN de Brest)

Journée de formation à la reconnaissance des types de saulaies © Vincent Colasse (CBN de Brest)
Le CBN de Brest était également présent aux 6èmes Convergences botaniques à Toulouse le 27 et 28 septembre 2025 pour présenter un poster scientifique concernant l’amélioration des connaissances phytosociologiques des saulaies à Saule roux de Bretagne.
Depuis la parution du rapport d’étude, les données ont été complétées avec la réalisation de nouveaux relevés phytosociologiques dans des contextes et secteurs toujours déficitaires en données. La synthèse de l’ensemble des données acquises donnera lieu à la publication d’un article scientifique dans les prochains mois.
L’association Melvan, promouvant le patrimoine historique et naturel de l'archipel Houat-Hoedic, vient de publier la seconde édition de son guide sur la flore et les habitats des deux îles.
Cette nouvelle édition intègre les connaissances récemment acquises sur la flore et la végétation de l’archipel auxquelles le CBN de Brest et son réseau de correspondant.e.s bénévoles ont largement concouru.
Aux côtés de l’association Melvan (éditeur), de la SBCO, de l’UBO et de Gabriel Rivière, auteur de l’Atlas de la flore du Morbihan, le CBN de Brest a ainsi contribué à l’ouvrage en fournissant les listes taxonomiques actualisées issues de ses bases de données, associées aux statuts de protection, de vulnérabilité ou d’invasivité en vigueur, et en mettant à disposition son expertise technique et scientifique pour la relecture des textes.
Très riches en illustrations, ce livre est accessible à tous, curieux ou passionnés. Il permet non seulement de valoriser le patrimoine végétal unique des deux îles mais aussi le travail des botanistes-phytosociologues qui œuvrent au quotidien pour mieux connaître, comprendre et préserver la flore et les habitats naturels.

Pour en savoir plus : https://www.melvan.org/monographies/item/flore-et-habitats-de-l-archipel-houat-hoedic-2025
Remerciements aux botanistes correspondants du CBN de Brest ayant contribué aux inventaires :
Florent Auneau, Anne Aurière, Charlotte Bardin, Noël Bayer, Frédéric Bioret, Cyrille Blond, Aurélien Bour, John Boxall, Eva Burguin, Pierre Buttin, Marie-Violaine Caillaud, Antoine Chastenet, Thierry Coïc, Vincent Colasse, Michel Danais, Brenoît Dujol, Stéphane Dulau, Philippe Férard, Martin Fillan, Julien Geslin, Élise Ghesquière, Erwan Glémarec, Pierre Godefroy, Pauline Guillaumeau, Yvon Guillevis, Hermann Guitton, Patrick Hamon, Franck Herbrecht, Hervé Knockaert, Élise Laurent, Florian Ledu, Arnaud Le Nevé, Sandrine Loriot, Cécile Mesnage, Éloïse Noraz, Jean-Paul Priou, Dominique Provost, Jean Provost, Emmanuel Quéré, Rémy Ragot, Michel et Monique Rialain, Gabriel Rivière, Sylvie Salmon, Gérard Sourget, Chloé Thébault, Joseph Villiermet, Vincent Voeltzel.
Au Conservatoire botanique national (CBN) de Brest, la connaissance et la préservation de la flore ne reposent pas seulement sur le travail des équipes scientifiques. Depuis de nombreuses années, un vaste réseau de plus de 600 bénévoles passionnés sillonne la Bretagne et les Pays de la Loire. Ces naturalistes amateurs ou confirmés participent activement aux inventaires de terrain, enrichissent la base de données floristiques et contribuent à une meilleure compréhension de la biodiversité végétale. Leur regard attentif et leur engagement permettent de collecter des informations précieuses, et un déploiement sur le territoire impossible à obtenir par les seuls salariés du Conservatoire. C’est donc grâce à cette mobilisation collective que le Conservatoire peut affiner ses actions de conservation et accompagner les territoires dans la protection de leur patrimoine naturel. Dominique Chagneau est botaniste bénévole confirmée. Depuis plus de 20 ans, elle assure bénévolement la validations des données de la flore saisies en Loire-Atlantique dans la base de données du CBN de Brest depuis plus de 20 ans.

CBN de Brest (CBNB) : Peux-tu nous dire ce qui t’a amenée à t’intéresser et à pratiquer la botanique ? Quel est ton parcours professionnel ?
Dominique Chagneau (DC) : Depuis mon enfance, je regarde les plantes. Jeune collégienne, je me vois encore traverser le jardin des plantes à Nantes et lire sur les panonceaux le nom des plantes.J’ai ensuite fait des études de biologie, puis je suis devenue professeure de Sciences de la Vie et de la Terre.
CBNB : As-tu un taxon rare ou commun que tu affectionnes particulièrement ? et un espace naturel que tu souhaites faire partager/découvrir ?
DC : L’Isopyre faux-pigamon représente pour moi le renouveau printanier de la végétation. J’apprécie d’une manière générale beaucoup la flore vernale et les prairies à orchidées. Je sors beaucoup dans la nature et je vais souvent voir les plantes près de chez moi. Ce que j’aime dans la botanique, c’est découvrir des petits coins où personne n’a encore prospecté. À Saint-Brévin-les-Pins, on a la chance d’observer des secteurs d’accrétion sableuse et de belles successions, du schorre à la dune et aux dépressions arrière-dunaires. J’ai pu y découvrir de nouvelles espèces, comme Serapias lingua.
CBNB : C’est une activité que tu pratiques seule ou plutôt en groupe ? Es-tu impliquée dans d’autres structures agissant en faveur de la connaissance ou de la protection de l’environnement ?
DC : Quand je pratique la botanique j’aime plutôt être seule, même si je participe bien sûr à des sorties avec des amis et en groupe. Être seule permet de rester discrète et d’aller où bon me semble au gré de mes observations. Outre mon implication au CBN de Brest, je suis bénévole engagée, depuis de nombreuses années, à Bretagne Vivante.
CBNB : Ton expérience en tant que bénévole du réseau ? Quand as-tu communiqué tes 1res données ? Sais-tu combien de données tu as partagé à ce jour et depuis quand assusres-tu la validation des données de flore vasculaire pour le territoire de la Loire-Atlantique ?
DC : J’ai commencé à communiquer mes données en 1997 d’abord à Pierre Dupont, qui était à l'époque référent bénévole du CBN de Brest pour la région Pays de la Loire. J’adorais prospecter et j’emmenais, alors souvent dans mes sorties, ma dernière fille qui n’avait que 7 ou 8 ans. C’est le professeur Dupont, qui, voyant ma motivation, m’a sollicitée en 2002 pour devenir validatrice départementale. Je n’étais pas au top, j’ai fait beaucoup de progrès depuis !

CBNB : Peux-tu m’expliquer ce que cela implique ? Quels outils utilises-tu (connaissances personnelles, aide à la détermination, flores, etc.) ? As-tu un retour à faire concernant les apports du nouveau carnet de terrain en ligne ? Combien de temps consacres-tu à la validation (par jour /mois ?)
DC : La validation départementale des données implique d’avoir une bonne connaissance du territoire, de l’écologie des espèces et de leur répartition. J’ai donc régulièrement des échanges avec les observateurs pour leur demander de vérifier la cohérence de leurs observations (par exemple une donnée de Phleum nodosum notée en zone humide alors qu’il s’agit d’un taxon plutôt de milieu xérophile, voire de retourner sur le terrain pour prendre des photos ou effectuer des prélèvements complémentaires.
Avec la communication des photos, le Carnet de terrain en ligne est une avancée, mais il faut être vigilant à la qualité des photos afin d’identifier un certain nombre de détails sur papier millimétré. Pour l’aide à la détermination, j’envoie régulièrement aux observateurs des fiches ou scans de mes propres échantillons, je m’appuie également sur un herbier que j’ai constitué, même s’il est encore incomplet.
Je réalise la validation au fur et à mesure de la saisie des données, le gros de l’activité étant de juin à octobre. Cela représente plusieurs heures par mois. Il s’agit de données saisies par les botanistes bénévoles du réseau mais aussi les botanistes salariés du CBN de Brest et de structures partenaires comme Bretagne Vivante qui saisissent des données dans le cadre d’études commanditées par des collectivités, par exemple dans le cadre d’Atlas de la biodiversité communale (ABC).
CBNB : Quels conseils donnerais-tu à une personne qui débute en botanique ?
DC : Pour débuter en botanique, je conseille de s’attacher d’abord à la flore locale autour de chez soi, de se constituer un herbier de référence, par exemple pour des groupes difficiles (Poaceae, Cyperaceae, Joncaceae , genre Myosotis, etc.). Il ne faut pas hésiter à prélever des échantillons pour aider à la détermination. Il faut souvent consulter plusieurs ouvrages, Flora Gallica est une base mais tous les critères d’identification sont loin d’y être présents. Puis la participation à des sorties botaniques permet de progresser, même si au début on peut être perdu avec le nombre d’espèces identifiées en une seule journée !
Merci à Dominique d’avoir partagé avec nous son expérience !



