La Roche-Maurice est une petite commune du Nord Finistère de 1800 habitants qui s’étend sur 1200 hectares. Elle se situe le long de l’Élorn principalement sur la rive sud, adossée au versant nord du plateau de Ploudiry et à l’est de Landerneau.
La topographie est marquée par plusieurs petites vallées selon un axe sud-nord et dont les cours d’eau se jettent dans l’Élorn. Le socle géologique est principalement constitué de schistes et de quartzites, qui sont visibles sur les affleurements des petits reliefs de la commune. Le substrat des fonds de vallées se compose d’alluvions et de colluvions.
L’une des grandes particularités de la commune est son château qui a été bâti sur un éperon rocheux de Quartzite blanc. Il a été édifié au XIe siècle par le Vicomte Morvan pour défendre la Cornouaille de l’expansion des Léonards au sud de l’Élorn. Il ne reste aujourd’hui plus que les ruines du château.
Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, La Roche-Maurice a fait l’objet de nombreuses prospections bryologiques. La commune est mentionnée au départ dans le catalogue des mousses des environs de Brest rédigés par le Boulay et Le Dantec, publié en 1881. Par la suite, Fernand Camus fit deux découvertes pour la France sur la commune entre 1880 et 1904. Au cours du XXe siècle, plusieurs bryologues français et étrangers de renoms, continuèrent à prospecter la commune, ce qui témoigne de sa particularité sur le plan bryologique. Plus récemment, entre 2021 et 2023, le groupe bryologique brestois s’est rendu sur place pour prospecter différents secteurs de la commune.
Le docteur Fernand Camus (1855-1922), Photographie extraite du catalogue de Gaume.
Les grands types de milieux et les espèces inféodées
Les affleurements
La commune de la Roche-Maurice possède plusieurs affleurements de schiste et de quartzite. Les principaux sont sur la partie ouest, au niveau du Bois du Pontois et sur l’extrémité est de la commune à Gorrequer. Ces affleurements sont principalement exposés vers le nord. Ils gardent ainsi une forte humidité atmosphérique durant la majeure partie de l’année. Ce phénomène engendre le développement d’un cortège bryophytique particulier. Les secteurs les plus hauts et émergeants des bois sont dominés par des hépatiques avec Scapania gracilis, Bazzania trilobata, Lophozia ventricosa ou encore la plus rare Lepidozia cupressina, espèce spécifique du climat hyperocéanique.
Une autre espèce, plus discrète est citée dans la littérature, mais n’a pas été retrouvée récemment, Pseudomarsupidium decipiens. Les seules stations connues en France sont dans le Finistère. C’est d’ailleurs sur la commune de la Roche-Maurice qu’elle fut découverte en 1900 par le docteur Fernand Camus, dont c’était la première mention française. Elle fut revue ensuite une seconde fois en 2000 par Philippe De Zuterre, bryologue Belge, qui parcourut le Finistère à plusieurs reprises entre les années 1970 et 2000. Cette espèce fut recherchée dernièrement aux mêmes endroits par le groupe bryologique brestois, mais sans succès.
Affleurements de Schiste © Paol Kerinec (CBN Brest)
Les parties les plus fraiches des affleurements rocheux ont un cortège tout aussi étonnant avec la présence de nombreuses hépatiques et mousses : Dicranum scottianum, Plagiochila spinulosa, Lepidozia reptans, Metzgeria conjugata.
Metzgeria conjugata © Laurence Ramon
Plagiochila spinulosa © Laurence Ramon
Enfin, il faut noter la présence d’une espèce singulière, Fuscocephaloziopsis crassifolia, qui fut découverte en France en 2021 à Plougastel-Daoulas par Vincent Pinault et dont l’une des seules stations Française (toutes dans le Finistère) se trouve à la Roche-Maurice. Il s’agit d’une hépatique à feuilles de très petite taille qui se développe sur l’humus, sous les arbres à feuilles persistantes tels que les Rhododendrons.
Humus sur lequel se développe Fuscocephalosiopsis crassifolia © Gaëtan Masson (CBN Brest)
Observation microscropique de Fuscocephalosiopsis crassifolia © Vincent Pinault
Le Château et le bourg de la Roche-Maurice
Le Château, et le promontoire sur lequel celui-ci est érigé, sont une particularité locale, tant sur le plan architectural, paysager que bryologique. En effet, bien qu’il s’agisse d’un socle de quartzite, avec un pH acide, il abrite dans ses anfractuosités plusieurs espèces inféodées aux pH plus neutre, voire basique. La plus typique de ces milieux est Encalypta vulgaris, une petite acrocarpe avec une coiffe mitriforme atypique. Les stations en Bretagne sont particulièrement rares et seules trois récentes (après 1990) sont recensées. Nous pouvons noter également dans ce cortège de bryophytes Aloina ambigua, Microbryum rectum, Scorpiurium circinatum ou encore Tortella squarrosa, espèce fréquente sur les dunes de Bretagne, mais plus rare dans les terres.
Encalypta vulgaris avec sa coiffe mitriforme © Paol Kerinec (CBN Brest)
Colonie d’acrocarpes dans les interstices de quartzite © Paol Kerinec (CBN Brest)
Les quartzites du château accueillent plusieurs hépatiques, avec d’un côté les hépatiques à thalles : Reboulia hemisphaerica et Targionia hypophylla et de l’autre les hépatiques à feuilles : Porella obtusata ou Marchesinia mackaii, hépatique très rare à l’échelle nationale, découverte également à la fin XIXe par le docteur Fernand Camus (2e localité française à l’époque).
Reboulia hemisphaerica © Paol Kerinec (CBN Brest)
Targionia hypophylla © Paol Kerinec (CBN Brest)
Porella obtusata © Paol Kerinec (CBN Brest)
Marchesinia mackaii © Paol Kerinec (CBN Brest)
En dehors du château, le bourg possède d’autres originalités bryologiques avec la présence d’un alignement d’arbres très intéressant, accueillant Leptodon smithii, petite pleurocarpe corticole relativement rare dans le Finistère et qui a la particularité d’avoir un aspect sec très différent de son aspect mouillé. Lorsqu’elle est sèche, cette espèce va se recroquevillée sur elle-même en s’enroulant vers le haut (cf. photographie ci-après).
Leptodon smithii, recroquevillée à l’état sec © Paol Kerinec (CBN Brest)
Leptodon smithii à l'état humide avec ses rameaux pennés © Gaëtan Masson (CBN Brest)
Une autre espèce originale se trouve sur cet alignement d’arbre, Dialytrichia saxicola, une acrocarpe particulièrement rare en Bretagne (3 stations) mais commune un peu au sud-est dans la vallée de la Loire, où elle colonise les troncs des Frênes dans les zones inondables. Cette petite acrocarpe se reconnaît à ses feuilles particulièrement fragiles qui se brisent à angle droit.
Feuille vue au microscope (x100) de Dialytrichia saxicola, avec de nombreuses cassures © Paol Kerinec (CBN Brest)
Les autres milieux, cours d’eau, boisements
Les autres milieux naturels rencontrés sur la commune de la Roche-Maurice et riches en bryophytes sont liés aux vallées et boisements. Deux secteurs sont particulièrement intéressants. Le premier est la vallée du Morbic, au sud de la commune. Les affleurements rocheux sont toujours présents et nous pouvons observer en sous-bois le cortège classique des hêtraies-chênaies bretonnes avec notamment quelques grosses pleurocarpes, Hylocomiadelphus triquetrus, Rhytidiadelphus Loreus, Hylocomium splendens, Thuidium tamariscinum et Plagiothecium undulatum ou d’acrocarpes : Polytrichum formosum, Dicranum majus, Leucobryum juniperoides. Le second secteur, de l’autre côté de la commune, du côté de Gorréquer, accueille deux espèces assez intéressantes qui ont également été observées en sous-bois,Nowellia curvifolia et Tetraphis pellucida. Elles ont la spécificité de se développer sur du bois mort en décomposition.
Plagiothecium undulatum au centre et Polytrichum formosum en haut © Laurence Ramon
Enfin, en contrebas se trouve l’Élorn, très courante sur ce secteur. Une espèce emblématique des cours d’eau bien oxygénés et acidiphiles de l’ouest du Massif armoricain, Nardia compressa, y a été observée en 2006. Elle serait à rechercher sur ce secteur de nouveau. Deux autres espèces aquatiques intéressantes sont également ici, Fontinalis squamosa et Porella pinnata, peu communes en Bretagne.
Conclusion
La commune de la roche-Maurice abrite une forte diversité d’espèces de bryophytes et d’hépatiques qui se répartissent dans des cortèges bien différents les uns des autres. Elle fut bien prospectée depuis le XIXème. Plusieurs espèces, non-revues depuis cette période seraient à rechercher de nouveau.
Quelques secteurs potentiellement tourbeux sont encore peu prospectés, par exemple sur les hauts de versants à proximité des sources des petits cours d’eau.
Contact
Paol Kerinec
Chargé de projet cartographie des habitats
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