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C’est lors d’une journée grise du mois décembre 2024, sur la commune de Chanzeaux (49), en terrain plutôt acide, qu’il a été observé de minuscules frondes en forme d’éventail, ressemblant aux frondes stériles d’Anogramma leptophylla (L.) Link (l’Anogramme à feuilles minces). Il a fallu attendre début mars 2025 pour confirmer l’espèce, avec la croissance des frondes fertiles.

Alors que l’Hyrôme coule en contrebas, la station se trouve sur un coteau traversé par un suintement. La fougère se développe à côté de cette source d’eau, cachée sous des rochers, exposés au soleil. Cela lui permet de bénéficier d’un micro-climat optimal à son développement : chaleur et forte humidité atmosphérique. L’espèce croît au sein d’une bryoflore diversifiée avec comme dominante, Reboulia hemisphaerica.

Cette fougère se distingue par ses deux types de frondes : fronde stérile et fronde fertile. La première est de petite taille, a des divisions du limbes larges et ne produit pas ou très peu de sores. Alors que, la seconde, est de plus grande taille (~5 cm ici), a un long pétiole, des divisions du limbes plus fines et produit des sores. Son cycle de reproduction est assez unique : le prothalle est bisannuel alors que le sporophyte est annuel (seul cas parmi nos fougères européennes). Les premières frondes stériles sont visibles dès l’automne, les frondes fertiles se développent au début du printemps, flétrissent avant l’été, pour disparaître ensuite. L’espèce passe alors inaperçue.

Anogramma leptophylla est une fougère rare en France, à affinités méditerranéennes-atlantiques. En Massif armoricain, ses populations les plus importantes sont au nord de la Bretagne (cf. eCalluna). En Maine-et-Loire, l’espèce n’avait jamais été observée auparavant, malgré un inventaire des ptéridophytes dans les années 1990 et des recherches ciblées (cf. notamment Braud, 2001). Dans les départements voisins, elle est présente en Loire-Atlantique, Vendée et Deux-Sèvres. En Pays de la Loire, elle est protégée et cotée EN (En Danger de disparition) sur la liste rouge. Un état des lieux de la population a donc été réalisé en 2025 : la plante fera l’objet d’un suivi dans le temps et des contacts seront engagés afin d’assurer sa préservation.

Cette observation en Anjou, fait suite aux autres découvertes départementales en Deux-Sèvres (2022), Haute-Vienne (2023), Creuse, Corrèze et dans l’Indre (2024). Cela nous amène à nous poser des questions sur ces évènements : est-ce que l’espèce est en voie d’extension dans nos régions ? Est-ce que ses populations sont viables sur le long terme ? Est-ce que l’espèce est présente sur d’autres sites ? C’est pour cela qu’il serait intéressant de prospecter dans les coteaux rocheux thermophiles, avec des suintements et des zones ombragées sous les rochers, pour espérer trouver Anogramma leptophylla, afin de mieux comprendre sa répartition et sa tendance démographique dans notre région.

Texte : Ewen Delahaye

 

Bibliographies :

Boudrie M., Mady M., Nawrot O., Bizot A., 2024 - Nouveautés ptéridologiques remarquables en Limousin pour l’année 2023 et le premier semestre 2024. Bulletin de la Société botanique du Centre-Ouest, 55 : 59-78.

Braud S., Charrier M., Mourgaud G., 1999 - Les ptéridophytes du Maine-et-Loire. Inventaire et cartographie. E.R.I.C.A., 12 : 62 p.

Braud S., 2001 - Inventaire et cartographie des ptéridophytes du Maine-et-Loire. Additif n°3. Bulletin de liaison Mauges nature, 61 : np.

Dortel F., Magnanon S., Brindejonc O., 2015 - Liste rouge de la flore vasculaire des Pays de la Loire. Évaluation des menaces selon la méthodologie et la démarche de l’UICN. Conseil régional des Pays de la Loire. Nantes : Conservatoire botanique national de Brest, 53 p. + annexes.

Prelli R., Boudrie M., 2021 - Les fougères et plantes alliées d'Europe. Mèze : Biotope éditions, 528 p.

 

 

Anogramma leptophylla in situ (Julien Geslin © CBN de Brest)