C’est lors de prospections menées le 27 juin 2024 à Bois de Cené, dans le marais breton vendéen, que nous avons pu observer, dans une douve miraculeusement préservée des assauts des herbivores (écrevisses, ragondins...), une grosse population de Myriophylles et de Potamots à feuilles linéaires (P. trichoides). Le potamot a été prélevé pour identification ainsi que le Myriophylle, celui-ci ressemblant à une espèce indigène (Myriophylle en épi M. spicatum), mais plus ramifié et dont les segments foliaires semblaient bien peu nombreux, avec de plus des bractées florales inférieures dentées/pectinées.
Douve Myriophylle © Fabien Dortel (CBN Brest)
Après consultation du récent ouvrage "Aquatic plants of Northern and Central Europe including Britain and Ireland" nous identifions Myriophyllum sibiricum. Ce taxon de répartition circum-boréale est présent, au plus proche, aux Pays-Bas et en Scandinavie et semble inconnu de France.
Cette découverte est aussitôt partagée à Jean-Marc Tison, auteur principal de la Flore "Flora Gallica” et à Richard Lansdown, co-auteur de la flore consultée, membre du conseil scientifique du CBN de Brest et membre du groupe de spécialistes des plantes d'eau douce de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).
Aussitôt, un doute survient sur l’identité réelle de ce myriophylle. Ainsi, outre sa répartition beaucoup plus nordique, M. sibiricum est moins ramifié et moins florifère, ses segments foliaires encore moins nombreux. Jean-Marc Tison indique qu’il existe un hybride spicatum x sibiricum invasif, notamment en Amérique du Nord. Il aurait été récemment trouvé également en Chine (Tison, comm.pers.), mais serait inconnu en Europe à ce jour.
La distinction morphologique de l’hybride n’est pas évidente, les plantes se rapprochant fortement de M. sibiricum mais ne produisant qu’occasionnellement des turions (un amas de feuilles imbriquées formant une massue, qui se forme à l’extrémité de branches latérales, forme de résistance et dont la fonction est la propagation végétative), alors qu’ils sont systématiques chez M. sibiricum, à partir de l’été.
Myriophylle sp. © Fabien Dortel (CBN Brest)
Nous avons alors contacté Laurent Hardion, de l’Université de Strasbourg, ainsi que Johan Van Valkenburg, spécialiste de l’Institut National des Vecteurs, des Plantes Envahissantes et de la Santé des Plantes aux Pays-Bas. Le premier travaille sur un projet de thèse visant à détecter des Myriophylles invasifs (notamment M. heterophyllum) par des outils « ADN environnemental », et le second a co-décrit une nouvelle espèce de Myriophylle en 2022 (Myriophyllum rubricaule) et travaillé à l’identification par voie moléculaire de foyers de Vallisneria australis, plante exotique en expansion en France.
Ces deux spécialistes ont donné leur accord pour analyser du matériel issu de la Vendée, afin d’obtenir des réponses validées par la génétique.
Depuis fin juin, nous avons découvert plusieurs localités de ce myriophylle mystérieux dans un rayon de quelques kilomètres autour du foyer initial.
Le 14 septembre 2024, Richard Lansdown, de passage dans la région, est venu observer les stations. Dominique Chagneau, responsable départementale pour l’inventaire permanent en Loire-Atlantique, et Fabien Dortel, Chargé d’études à l’antenne Pays de la Loire du CBN de Brest, ont accompagné l’expert sur les sites.
Richard Lansdown © Fabien Dortel (CBN Brest)
Richard a pu confirmer qu’il ne reconnaissait pas M. spicatum, attendant avec impatience les résultats des analyses : malgré une recherche minutieuse, aucun turion n’a pu être observé.
À cette occasion, il pense également avoir trouvé une nouvelle Lentille d'eau pour la France, notée en Grande-Bretagne ainsi qu’en Espagne, mais peut-être confondue avec Lemna minuta en France : Lemna valdiviana (origine Amérique du Sud et du Nord), détectée notamment par ses frondes allongées de couleur claire et à nervure centrale nette et atteignant presque l’apex, souvent groupées par 4, de taille similaire, formant un "papillon".
L’identité reste toutefois soumise à débat, car il est possible qu’il s’agisse de formes particulières de Lemna minuta, qui aurait une forte variabilité. Là encore, le recours complémentaire à la génétique semblait indispensable, par comparaison avec L. minuta d’une part, avec le “vrai” L. valdiviana présent en Amérique du Sud.
Ainsi, nous avons contacté Manuela Bog, chercheuse travaillant dans un laboratoire allemand, qui a notamment étudié ces deux espèces. Les échantillons sont maintenant entre ses mains pour réaliser les analyses moléculaires qui permettraient de faire le point sur la situation.
L.valdiviana (identité à confirmer) © Fabien Dortel (CBN Brest)
Richard a également repéré, parmi 4 autres Lentilles, Wolffia columbiana, récemment identifiée à l’étang St-Nicolas (Angers) en Maine-et-Loire (49). C'est la deuxième mention pour le territoire d'agrément du CBN de Brest de cette lentille exotique sans racine, distinguée de W. arrhiza par sa forme plus globuleuse, laissant apparaître, vu de dessus, un large anneau immergé en périphérie de la partie flottante.
W.columbiana © Fabien Dortel (CBN Brest)
Toutes ces observations montrent, d’une part, la complémentarité des regards de botanistes venus d’horizons différents, et, d'autre part, celles des disciplines : la botanique de terrain doit ainsi se faire appuyer par des études moléculaires faisant appel à des compétences en génétique, pour confirmer certaines déterminations.
Dernière minute
Les 2 analyses conjointes du Myriophylle montrent qu’il appartient à l’espèce Myriophyllum spicatum, indigène, malgré des critères morphologiques non concordants. Il s’agirait donc d’une variation très inhabituelle de notre myriophylle en épis. Ces résultats déstabilisants vont probablement amener à chercher d’autres critères pertinents pour distinguer M. spicatum, M. sibiricum et leur hybride...
À presque 50 ans, le Conservatoire botanique national de Brest se renouvelle. Avec le projet TransitionS il se donne des perspectives pour la période 2024- 2033, mais aussi avec l’arrivée d’une nouvelle directrice, Stéphanie Hudin, arrivée fin août en poste.
Stéphanie Hudin, directrice du Conservatoire botanique national de Brest © C. Le Guillou
Une structure en évolution permanente
L’équipe du Conservatoire botanique national (CBN) de Brest a beaucoup évolué depuis sa création en 1975, ses missions se sont élargies. Mais une chose reste imuable : la volonté des équipes d’oeuvrer pour la conservation des espèces et des habitats par la connaissance des écosystèmes terrestres de son territoire d’agrément qui correspond aujourd’hui aux régions Bretagne et Pays de la Loire.
Porté par un syndicat mixte composé de Brest métropole, de la Région Bretagne, du Département du Finistère et de l’Université de Bretagne Occidentale, son fonctionnement intègre un comité syndical avec des représentants élus de ces institutions, ainsi qu'un conseil scientifique.
À l'instar des 12 Conservatoires botaniques nationaux créés à sa suite en France, ses missions s’organisent en 5 axes : connaissance de la flore, de la fonge et des végétations ; gestion, diffusion et valorisation des données ; contribution à la gestion conservatoire, appui à l’élaboration et à la mise en oeuvre des politiques publiques et de la réglementation ; communication, sensibilisation et mobilisation citoyenne.
Une spécificité brestoise
Pourtant, le CBN de Brest conserve une particularité bien singulière, qui découle de son histoire, à savoir un rayonnement international, avec une collection de plantes menacées à l’échelle mondiale, sous forme de graines ou de plantes. Cette collection vivante et exotique complète la collection locale des espèces également menacées de disparition en régions Bretagne et Pays de la Loire. Une lourde responsabilité pour le Conservatoire. C’est aussi une ambition inscrite au projet TransitionS.
Une nouvelle directrice
Stéphanie Hudin, docteure en écologie de la conservation, rejoint l’équipe après un parcours marqué par la volonté de contribuer aux efforts pour la protection de la biodiversité. « Passionnée par la botanique depuis mon plus jeune âge, c’est la beauté et la diversité des végétaux qui m’ont d’abord attirée vers des études en biologie. La conscience du risque imminent de la disparition de nombreuses espèces m’a ensuite redirigée vers des approches intégrant de nombreuses dimensions et j’ai ainsi développé des projets et programmes pour soutenir la mise en place de mesures de protection et de restauration des écosystèmes, surtout dans les milieux humides, en lien avec de nombreuses structures.
Frédérique Bonnard-Le Floc'h, Présidente du Conservatoire botanique national de Brest, précise : « Aujourd’hui avec son arrivée au Conservatoire botanique national de Brest, Stéphanie Hudin prend le relai de belles énergies qui ont su inscrire la connaissance de la biodiversité comme une nécessité. Les besoins sont grandissants, en connaissance ou en pédagogie. Elle aura aussi pour mission, avec l’équipe du Conservatoire, de traduire le projet TransitionS en réalités, avec ses équipes, ses élus, adhérents et partenaires. L’élargissement du socle des partenaires est une ambition, la consolidation des financements aussi, et un fonctionnement plus lisible sera recherché. Un travail sera également fait sur les aspects sensibilisation, du plus jeune au plus « adulte », avec la conservation au coeur de notre message, mais sans oublier le rêve ».
Contexte
Le CBN de Brest applique depuis 2020 le programme national de cartographie des habitats naturels et semi-naturels porté par le ministère de l’Écologie et l'Office français de la biodiversité (OFB), et qui doit conduire à couvrir l'ensemble du territoire métropolitain d'ici 2026.
Ce programme, dénommé CarHAB, est effectué en partenariat avec le réseau des Conservatoires botaniques nationaux (CBN), le Ministère de la transition écologique, l’Institut géographique national (IGN), l’unité mixte de recherche PatriNat (MNHN-OFB-CNRS-IRD), et le laboratoire Environnement Ville Société (EVS-ISTHME) de l’Université Jean Monnet - Saint-Étienne.
Objectif
L'objectif du programme CarHAB est de produire par département des cartographies prédictives des habitats naturels et semi-naturels à l'échelle du 1/25 000. Cette cartographie met ainsi en évidence les potentialités écologiques des territoires. Elle doit pouvoir venir en appui aux politiques publiques nationales et territoriales et a pour finalité de prendre en compte les enjeux croisés de conservation de la biodiversité, d'aménagement et de gestion durable du territoire. Il s'agit notamment d'un outil socle pour la stratégie nationale pour la biodiversité 2030.
Méthodologie
Les cartes produites dans le cadre du programme CarHAB sont établies à partir du croisement de nombreuses données : données de terrain issues des systèmes d’information des CBN, couches d’informations environnementales, images satellitaires… Une première étape de modélisation permet de produire deux types de cartes : une cartographie de la physionomie de la végétation et une cartographie des biotopes. Le croisement de ces deux couches d'informations aboutit ensuite à la production de la carte prédictive des habitats.
Un biotope est une proportion de territoire écologiquement homogène (conditions édaphiques et climatiques identiques). Dans le cadre du programme, un biotope est défini selon la combinaison de 8 paramètres : Caractère littoral, étage de végétation, enneigement, ombroclimat, continentalité, humidité du sol, acidité et variante bioclimatique.
La physionomie correspond aux principaux stades de développement d'une série de végétation donnée (pelouses, prairies, fourrés, forêts, etc.).
Le croisement de ces deux informations permet la production de la cartographie prédictive des habitats naturels et semi-naturels CarHAB. Un rattachement aux référentiels d’habitats EUNIS et HIC (Habitats d’intérêt communautaire) est également fait.
Pour plus d'informations sur la méthodologie : https://inpn.mnhn.fr/programme/carhab
Résultats
En 2023, les cartes de 20 premiers départements ont été diffusées, dont celles concernant le Finistère et les Côtes-d'Armor pour le territoire d'agrément du CBN de Brest.
En septembre 2024, les cartes des départements du Morbihan et de la Loire-Atlantique viennent d'être diffusées à la suite de plus d'une année de travail.
Ces 4 départements sont téléchargeables et visualisables en ligne. Toutes les données sont accompagnées d’une notice nationale et d’une notice départementale.
Visualisation des données :
- Sur le site de l’INPN https://inpn.mnhn.fr/viewer-carto/CarHab/
- Sur le site du CBN de Brest https://www.cbnbrest.fr/observatoire-milieux/cartes-de-repartition/catalogue-de-donnees
- Sur le site géoportail : https://www.geoportail.gouv.fr/carte
Téléchargement des données : https://inpn.mnhn.fr/programme/carhab
Déclinaison de la carte modélisée des habitats naturels et semi-naturels issue du Programme CarHAB en habitats EUNIS. Données modélisées au 23/09/2024
Contact : Paol Kerinec
Chargé de projet cartographie des habitats
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Depuis 2021, les Conservatoires botaniques nationaux (CBN) sont chargés par arrêté ministériel d’assurer le recueil, la validation, la gestion et la diffusion de données d’observation concernant la flore, les lichens, les végétations et les habitats naturels et semi-naturels de leur territoire d’agrément.
Le CBN de Brest s’est engagé dans ce travail de mutualisation et de validation de données depuis 1991. Le Système d’information du CBN comprend aujourd’hui plusieurs millions de données validées, acquises par le personnel du CBN, son réseau de bénévoles et par de nombreux partenaires (associations, organismes publics, bureaux d’études, etc.). Ces données concernent les régions Bretagne et Pays de la Loire ainsi que les départements de la Manche, de l'Orne et du Calvados (ex-Basse-Normandie).
Fin 2021, afin de répondre de manière plus efficiente aux demandes (de plus en plus nombreuses) de mise à disposition de données, le CBN a créé un service de l’information géographique. Celui-ci a ainsi créé différents documents et applications en ligne, présentés ci-après. Jusqu’à la fin de l’année 2025, ces outils intègrent les données de l’ex Basse-Normandie ; ensuite elles seront gérées et diffusées par le tout nouveau Conservatoire botanique de Normandie, créé au début 2024.
Accès aux données géographiques
Document technique destiné au grand public
Le guide d’accès aux données géographiques décrit l’ensemble des lots de données géographiques diffusées par le CBN de Brest. Il précise les modalités d'accès et les droits d’utilisation des données. Il est actualisé à chaque nouvelle diffusion d’une couche d’information géographique. Il est donc conseillé de le consulter en ligne pour avoir accès à la version la plus à jour.
Guide d'accès aux données géographiques du CBN de Brest
Catalogue de métadonnées
Application technique destinée à un public de spécialistes
Le catalogue de métadonnées décrit les lots de données géographiques diffusées par le CBN de Brest sous forme de métadonnées. Chaque fiche de métadonnées contient des informations techniques sur la date de la dernière mise à jour, la généalogie, l’emprise géographique, la projection, l’encodage, la qualité, les précautions d’usages et les contraintes légales.
Une nouvelle fiche de métadonnées est créée à chaque nouvelle diffusion d’une couche d’information géographique.
Catalogue des données géographiques du CBN de Brest
Consulter les données en ligne : geocalluna
Application destinée au grand public
GéoCalluna regroupe toutes les données cartographiques publiques du CBN de Brest. Avec ce visualiseur il est ainsi possible de consulter, interroger et exporter sous forme d'image les données en accès libre.
D'autres données (données privées) sont disponibles sur demande et selon différents modes et conditions d'accès. Pour en prendre connaissance, consultez le Guide d'accès aux données géographiques du CBN de Brest, ou le Catalogue des données géographiques du CBN de Brest.
Application GeoCalluna du CBN de Brest
Consulter les données sous sig : flux wms
Destiné à un public de spécialistes
Adresse du flux wms du CBN de Brest pour accéder aux données publiques : https://www.cbnbrest.fr/geoserver/wms
Ressources
- SI Flore national
- Application eCalluna pour consulter la répartition géographique des plantes à fleurs et des fougères dans l'Ouest de la France et suivre leur évolution dans le temps et à différentes échelles
- Application eColibry visualiser la répartition départementale des algues, des lichens et des mousses de l'Ouest de la France
- Carte des grands types de végétation
- Application Flore du Calvados pour connaître la localisation départementale de toutes les espèces et obtenir pour les plantes rares, menacées et invasives : les statuts, la période de floraison, l'état des populations, l'écologie ou encore des références bibliographiques
Contact : Christophe Bougault, référent interrégional SIG : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Zygodon stirtonii est une petite mousse acrocarpe qui se développe sur les vieux ouvrages en condition ombragée et à l’atmosphère humide. Lors de prospections menées en Vendée, elle a été observée sur un vieux pont en pierre au-dessus du cours d’eau de l’Yon, sur la commune du Tablier. Il s’agit de la première mention de l’espèce pour la région des Pays de la Loire.
Zygodon stirtonii une espèce de la famille des Orthotrichaceae. Elle se différencie des autres espèces du genre, et notamment de Z. viridissimus par la présence d’une nervure excurrente et élargie au sommet.
Plan de Zygodon stirtonii © P. Kerinec (CBN Brest)
Détail de l'apex d'une feuille de Zygodon stirtonii avec la nervure excurrente © P. Kerinec (CBN Brest)
Aucune donnée bryologique n’était jusqu’alors recensée sur ce site, dont la richesse potentielle semble élevée. L’Yon se trouve au fond d’un vallon encaissé et passe avec un débit rapide à travers un chaos granitique. Des prospections approfondies devraient permettre d’en savoir un peu plus sur ce secteur.
Chaos granitique sur l'Yon, commune du Tablier (85) © P. Kerinec (CBN Brest)